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Directeur : Copans, Jean
Ce travail est le résultat d'une enquête ethnographique menée entre 2007 et 2012 auprès de migrants bamakois et diplômés résidant à Paris. En mêlant récits d'observation et entretiens, j'ai cherché à saisir la manière dont mes interlocuteurs organisent et se représentent leur expérience migratoire. La migration marque une scission entre le passé bamakois des enquêtés et leur présent parisien, un changement de condition sociale et économique qui leur impose un intense travail d'adaptation. Quelle est la nature de ce travail ? Quelles ressources développent-ils pour faire face aux contraintes qui sont les leurs ? À quelle catégorie de l'entendement font-ils appel pour expliquer et s'expliquer qui ils sont et ce qu'ils font ? À travers cette série de questions, je me suis intéressé aux mécanismes par lesquels mes interlocuteurs prennent place dans l'espace social parisien. Pour en rendre compte, j'ai suivi trois axes de recherche qui ont structuré l'investigation : le capital pré-migratoire, les conditions d'immigration et la relation des bamakois diplômés aux "accueillants". "Le capital pré-migratoire" désigne l'ensemble des ressources dont dispose un individu et qui sont le résultat de sa socialisation avant son émigration. Pour le définir, plusieurs critères peuvent être pris en considération : l'origine sociale et familiale, l'origine géographique, le genre, l'origine ethnique, le degré de scolarité ou encore la religion. Et c'est parce que les enquêtés partagent des dispositions sociales similaires que j'ai choisi de les nommer "bamakois diplômés": ils sont très majoritairement des hommes issus de la petite bourgeoisie urbaine, ils maîtrisent le français (tant à l'écrit qu'à l'oral) et tous ont obtenu leurs diplômes au Mali (du baccalauréat au doctorat). Par ailleurs, je précise que l'étude du capital pré-migratoire - et de son impact en situation d'immigration - a rapidement révélé la nécessité d'un travail de terrain à Bamako. Effectué entre octobre 2007 et janvier 2008, le séjour au Mali a été motivé par trois objectifs : déterminer avec plus de précision les origines sociales de mes interlocuteurs, appréhender les mécanismes de socialisation familiale et scolaire en milieu urbain (Bamako), mieux comprendre les raisons de leur immigration en France. "Les conditions d'immigration" qu'offrent Paris et sa banlieue aux étrangers demeurent marginales : occupations d'emplois peu ou pas qualifiés dans des secteurs d'activité souvent marginaux, ségrégation résidentielle durable, précarité du statut économique et juridique. Fragilisés dans des domaines essentiels de l'existence, il leur faut malgré tout "tenir". Ici, je me suis intéressé aux conditions socioéconomiques de vie des enquêtés et aux moyens qu'ils mettent pour agir sur ces conditions. J'ai donc mené l'investigation à l'intérieur des lieux effectifs de leurs activités familiales, professionnelles et de loisirs. Ces lieux forment le cadre global au sein duquel l'expérience d'immigration est vécue et interprétée par mes interlocuteurs. C'est donc dans ce cadre que peuvent être compris les modes d'être et de pensée des bamakois diplômés rencontrés durant l'enquête. "La relation “aux accueillants“" vise à analyser les façons dont les enquêtés construisent le réel à partir des relations sociales de leur vie quotidienne à Paris. En effet, l'étude du capital pré-migratoire et des conditions d'immigration ne doit pas faire oublier que mes interlocuteurs sont pris dans un réseau de relations sociales. C'est dans et par l'interaction avec les autres qu'ils se forgent leur vision du monde et s'approprient les normes et les valeurs de la société française. Capital pré-migratoire, conditions d'immigration et relation aux "accueillants", ces trois axes de recherche sont considérés comme interdépendants. Ils forment le système d'interprétation construit durant l'enquête pour appréhender l'expérience migratoire des bamakois diplômés de Paris.