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Directeur : Jovelin, Emmanuel
Le travail social en Europe est marqué par des phénomènes de convergences, renforcées par des processus formels et informels d'européanisation au sein de l'Union Européenne, et des variables ancrées dans l'histoire et la culture des pays. La place qu'y tient le travail communautaire est l'un des points de divergence les plus visibles dans la profession de travail social entre les pays. Ces situations recouvrent d'importantes nuances dans les modalités et les formes de pratique communautaire selon les pays, dans le travail social et à sa marge. Comment comprendre et interpréter ces variations ? Quels sont les facteurs qui déterminent l'inclusion ou non du travail communautaire dans le travail social ? Cette thèse présente le travail social et le travail communautaire dans 6 pays européens (France, Pays-Bas, Angleterre, Suède, République tchèque, Italie), correspondant à des modèles distincts d'État-providence, à partir d'entretiens semi-directifs menés auprès d'intervenants de terrain et d'académiques dans chaque pays. L'étude socio-historique du travail communautaire dans les différents pays montre que celui-ci est importé comme pratique professionnelle après-guerre, et qu'il connaît partout un âge d'or – tout en gardant toujours une place minoritaire dans le travail social – culminant avec l'idéologie du développement et le courant radical dans les années 1960 et 1970. Le glissement vers le libéralisme dans les années 1980 redéfinit le projet politique pour le travail social et l'assigne davantage à des fonctions curatives, sur des modalités d'intervention individuelles et sectorielles. Dès lors, le travail communautaire bascule à la marge ou se développe en dehors du travail social, à l'exception des Pays-Bas, où il subsiste comme une filière du travail social en dépit d'une baisse d'effectifs. Or, depuis les années 2000, la communauté (et son corollaire, la société civile ou le tiers-secteur) revient au cœur des débats, d'abord sous l'influence du modèle politique de la Troisième Voie, puis plus généralement, dans les modes de gestion publique qui traduisent la pénétration d'un néolibéralisme idéologique et managérial partout en Europe. Ainsi, le modèle d'activation communautaire et de mise en réseau des acteurs sur le territoire à des fins d'autonomisation est davantage présent dans les pays où le tournant libéral est plus prononcé. Le paradigme de l'empowerment unifie le champ, tout en masquant une grande polysémie. Parmi les variables, certaines ont trait aux arrangements entre les différents acteurs dans le cadre de l'État-providence, selon la place qui y est reconnue à la société civile, et à des cultures politiques centrées sur le consensus ou sur le clivage, en fonction desquelles le travail social ajuste sa place sur la scène politique – selon qu'il recherche la neutralité pour éluder le clivage, ou se reconnaît une légitimité à porter une parole sur la scène publique (et est reconnu comme tel par la puissance publique). La préexistence de traditions professionnelles relevant de l'éducation populaire (comme l'animation en France) ou de la pédagogie sociale, qui semblent être une composante européenne spécifique, conditionne également la place que prend le travail communautaire dans le travail social : le travail social dans les pays nordiques s'est construit sur une tradition de pédagogie sociale, quand en France, les relations entre animation et travail social sont, historiquement, tumultueuses. Enfin, une autre variable est le statut de la profession de travail social, qui lui permet d'avoir une emprise sur le périmètre et la définition de ses activités.