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Auteur(s) : SALOMON Diane
: Université Paris Cité, 2020
Directeur : Marty, François
Dans la maison de l'inceste, l'interdit à voir, entendre et plus généralement à penser qui écrase la psyché des membres de la famille ne peut que frapper le témoin qui observe, du dehors, le groupe. Pourtant tonitruant, l'inceste n'est quasiment jamais perçu par les membres de la famille, qui deviennent alors complices malgré eux. L'inceste condamne la famille à rester indifférente aux appels de détresse de ses victimes, aussi muettes qu'invisibles. Rares sont ces sujets victimes qui prennent la parole, et ce, le plus souvent, des décennies après le surgissement de l'inceste dans leur parcours de vie. Le dépôt de plainte, quant à lui, apparaît comme une exception qui confirme le tabou marquant la dynamique familiale : on ne parle pas de l'inceste. Les effets de l'inceste se mesurent même au-delà du cercle familial, jusqu'à la sphère scientifique. La rareté des recherches sur l'inceste et sa révélation par le sujet victime témoigne d'une entrave à penser ce crime et ses effets, pourtant reconnus pour être ravageurs. Ainsi, le processus qui permet au sujet victime de dévoiler le secret de l'inceste reste énigmatique pour le clinicien. De la même façon, le phénomène de contagion auquel le grand public assiste, décuplé par l'accès démocratisé à l'information, établit l'ampleur du problème et met à l'épreuve notre réflexion, quand il n'éveille pas des soupçons conspirationnistes. L'objectif de cette thèse est de saisir les mouvements intrapsychiques et intersubjectifs à l'œuvre chez le sujet victime qui révèle l'inceste. Le dévoilement du secret de l'inceste s'apparenterait à un processus, rythmé par trois temps identifiables : la reconnaissance, la révélation intrafamiliale et la dénonciation judiciaire. L'hypothèse générale qui traverse l'ensemble de ces travaux est que le processus de révélation par le sujet victime correspond à un travail de symbolisation de l'expérience incestueuse. À l'instar de l'enfant, le destin de la pensée et de la parole du sujet victime d'inceste dépendrait de l'intervention d'un objet symboligène, nommé "tiers porte-parole" puisqu'il assurerait les fonctions du tiers et du porte-parole. Par la rencontre avec cet objet, le sujet victime, jusque-là aliéné à des pactes familiaux désubjectivants, pourrait se déprendre de la passivation. La revue de littérature, de l'exposé du traitement du psychotraumatisme à l'analyse des composantes groupales qui interfèrent dans le travail de symbolisation, dessine les contours des paysages interne et externe dans lesquels évolue le sujet victime. L'étude des témoignages de 11 sujets adultes, qui rapportent avoir été victimes d'inceste pendant l'enfance, soutient les développements théoriques. L'analyse du verbatim des entretiens de recherche et des mouvements transférentiels dans une partie dédiée à la clinique soutiennent la reprise et la reformulation des conjectures initialement proposées. À l'aide d'une méthode hypothético-processuelle, les réflexions engagées dans cette recherche permettent d'esquisser un modèle de compréhension du processus de révélation par le sujet victime. La place d'un objet "tiers porte-parole" y apparaît centrale. Agent de la séparation psychique nécessaire à la mise en représentation de la rencontre traumatique incestueuse, il provoquerait aussi la rupture de l'alliance aliénante familiale. Dans cette perspective, la dénonciation judiciaire apparaîtrait comme une forme de rupture avec l'héritage familial transmis dans l'expérience de l'inceste.